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Combien d’utilisateurs par borne Wi-Fi ?


4 March 2022


Une question souvent posée et pour laquelle la réponse, comme beaucoup d’autres dans ce milieu technique, reste aussi souvent la même : ça dépend (et ça va demander un peu de mathématique) 🙂

Une toute première sous question à traiter est celle de la différence entre « utilisateurs » et « terminaux ». Une seule personne aujourd’hui pourrait facilement posséder plusieurs terminaux Wi-Fi à connecter sur notre réseau. Le nombre de terminaux par personne pourrait également varier en fonction de l’environnement (bureautique, événementiel, hotspot public, etc.) et de la population d’utilisateurs attendus (avec des centres d’intérêts plus ou moins technophiles et des terminaux plus ou moins modernes et performants, par exemple). Des ratios utilisés en moyenne sont ceux de 1.2 ou 1.5 terminaux par utilisateur et parfois on estime même que juste un pourcentage de ces terminaux seront tous actifs à un instant donné. Nous voyons déjà en tout cas comment le premier réflexe devrait être de raisonner en termes de nombre de terminaux concurrents effectivement prévus sur le réseau.

Le nombre de terminaux à prévoir sur une seule borne Wi-Fi dépend ensuite de plusieurs facteurs : l’extension de la zone à couvrir, les applications et débits à supporter, la densité de bornes dans la même zone, les standards supportés par les terminaux, leurs performances maximales, etc.
Pour des calculs un peu plus concrets, nous allons partir sur un exemple précis qui pourrait ensuite être retravaillé et adapté à d’autres besoins. Afin de répondre à notre question initiale dans une sorte de scénario « best case », au moins dans un premier temps, nos hypothèses principales seront les suivantes :

  • Les terminaux prévus sur notre réseau Wi-Fi supportent tous les fréquences des 5 GHz. C’est peut-être une première condition un peu « forte », mais aujourd’hui cela est souvent le cas dans la vraie vie. Si nous devions faire les mêmes calculs sur les fréquences des 2.4 GHz, les prévisions ne pourraient de toute manière que baisser.
  • Les terminaux Wi-Fi prévus supportent tous au moins la norme 802.11ac (Wi-Fi 5), peut-être le 802.11ax (Wi-Fi 6), mais sans garantie ultime pour cette dernière, au moins à l’état actuel du marché des smartphones, tablettes, laptops, etc. Cette hypothèse permet de s’appuyer sur certains débits élevés dans les calculs, en évitant en parallèle des estimations peut-être encore trop optimistes/risquées aujourd’hui, avec l’utilisation des dernières innovations d’efficience spectrale comme l’OFDMA.
  • L’efficience réelle maximale d’une cellule Wi-Fi est d’environ 70-80% de la capacité totale d’utilisation du canal, car une bonne partie des trames échangées n’est destinée qu’à gérer les associations et éviter les collisions (ce qu’on appelle parfois aussi le « overhead » et/ou les trames de management). Même 70% est une estimation trop optimiste et dans la vraie vie on retient plutôt 50%, voire 40% pour rester même très prudent. Tout cela veut dire par exemple que, pour une connexion avec un « data rate » nominal de 100 Mbps, le débit réel mesuré par notre terminal s’élève plutôt à 50 Mbps.

Pour démarrer maintenant nos calculs, nous partons de la question des besoins/applications à supporter pour nos utilisateurs finaux. Quel débit faut-il supporter par terminal, pour permettre l’utilisation de telle(s) application(s) ?
Même si datant de quelques années, des premiers abaques assez intéressants sont disponibles dans le guide suivant :
https://www.cisco.com/c/en/us/td/docs/wireless/controller/technotes/8-7/b_wireless_high_client_density_design_guide.html#concept_4967FF6C7ECF4109A950E110C3C3C931
Par exemple, pour de la vidéo HD, le débit (« throughput ») minimal à considérer par terminal serait de 5 Mbps. Le streaming vidéo pourrait s’appuyer sur des flux multicast, pour optimiser ultérieurement les performances, mais pour des raisons de simplicité nous n’allons considérer que des flux unicast (comme pour un appel vidéo entre deux utilisateurs aussi).
En suivant notre troisième hypothèse évoquée ci-dessus, 5 Mbps de throughput traduits en data rate Wi-Fi donnent 10 Mbps par terminal.
Pour supporter par exemple 60 terminaux à 10 Mbps chacun sur une seule radio, il faudrait donc supporter des data rate d’environ 600 Mbps sur cette radio.
Dans l’exemple on considère toujours le cas basique d’un seul terminal à la fois qui échange avec la borne Wi-Fi à un instant donné. Il est vrai que les calculs pourraient devenir plus favorables en ajoutant les dernières nouveautés OFDMA et d’autres encore. Comme évoqué dans notre deuxième hypothèse, il serait en revanche trop optimiste/risqué aujourd’hui de compter sur le support systématique de ces innovations et du Wi-Fi 6 en général sur tous nos terminaux.

Le data rate supporté sur notre radio est une fonctions de plusieurs facteurs, parmi lesquels on retrouve la modulation (exprimée par l’index MCS), l’agrégation de canaux et le nombre de spatial streams :
https://mcsindex.net
Par exemple, en restant en 802.11ac et sur une modulation assez réaliste (64-QAM en MCS Index 7), nous avons différentes options pour atteindre presque 600 Mbps de data rate :

  • Avec des connexions à un seul spatial stream et une agrégation de canaux à 160 MHz (on retient souvent 0.8 µs de « Guard Interval » et pas 0.4 µs, toujours pour une question de marge et prudence). En revanche, les agrégations à 160 MHz sont presque toujours déconseillées, voire souvent impossibles à implémenter sans épuiser tous les canaux à disposition sur une seule borne Wi-Fi et causer des interférences entre bornes voisines.
  • En alternative, avec deux spatial streams et une agrégation de canaux à 80 MHz, des fois toujours pas recommandée, mais déjà plus utilisable dans la vraie vie.

Ici nous ne choisissons volontairement pas la modulation 802.11ac la plus performante (MCS Index 9), pour ne pas devoir dépendre d’une qualité de signal excellente, qui ne pourrait pas être garantie partout. La modulation supportée dépend en fait fortement de la qualité du signal, qui est une combinaison du RSSI (la puissance du signal, « Received Signal Strength Indicator ») et du SNR (rapport signal/bruit, « Signal to Noise Ratio »).
Par exemple, pour l’option du MCS 7 à 160 MHz, il faudrait rester dans l’ordre des -55 dBm de RSSI et 34 dB de SNR, souvent considéré comme un signal très « propre » :
https://wlanprofessionals.com/mcs-snr-rssi-chart

D’un autre côté, avec deux spatial streams et 80 MHz d’agrégation, on pourrait se permettre de « descendre » à -58 dBm de RSSI et 31 dB de SNR, toujours considéré comme un bon signal, mais un peu moins exigeant que l’option précédente.

On voit donc comme, pour essayer de supporter une soixantaine de terminaux sur une seule cellule radio à 5 GHz avec de la vidéo HD, il faudrait avoir un environnement radio très propre (avec des cellules de couverture relativement petites) et des agrégations de canaux assez importantes, qui pourraient aussi nous porter à épuiser rapidement le nombre de fréquences à disposition entre bornes Wi-Fi voisines, avec le risque de créer du co-channel interference.
Outre que le support du 802.11ac / Wi-Fi 5, tout cela avec l’hypothèse additionnelle que nos terminaux supportent au moins 2 spatial streams (à partir de l’iPhone 6S ou du Samsung Galaxy S6, par exemple) :
https://clients.mikealbano.com

On pourrait en alternative commencer à descendre plutôt à ~30 terminaux par radio, ce qui nous permettrait même de rester sur des agrégations à 40 MHz, déjà plus faciles à planifier en présence d’une plus forte concentration de bornes Wi-Fi.
À 40 MHz et avec des terminaux à deux spatial streams nous serions sur 270 Mbps de data rate en MCS 7, avec un RSSI de -61 dBm et un SNR de 28 dB : déjà un peu plus réaliste dans beaucoup de scénarios.

Tout en restant dans le cas de 40 MHz d’agrégation, 2 spatial streams et MCS 7, si nous devions supporter 60 terminaux dans la même zone pour notre vidéo HD, avec des bornes Wi-Fi Cisco des séries 2800, 3800, 4800, 9120, 9130, 9124 ou 9136 nous pourrions également supporter une deuxième radio à 5 GHz. De cette manière nous obtiendrions deux cellules à 5 GHz dans la même zone, pour augmenter la densité des terminaux tout en préservant les débits et les performances.
Il faudra ensuite bien évidemment conjuguer ces besoins et ces calculs avec la surface à couvrir, le RSSI minimal à garantir et sans oublier que trop d’APs voisins risquent d’interférer les uns avec les autres.
Un RSSI minimal en-dessous duquel on ne conseille souvent pas d’aller pendant les études radio est celui de -65 dBm. On entend/lit souvent que l’on peut même se baser sur -67, -70, voire -75 dBm, mais cela ne prend pas toujours en compte l’atténuation du corps humain, qui peut monter des fois jusqu’à des ordres de 10 dB (pour un RSSI final à -75 dBm dans certains cas), ou d’autres obstacles encore.

Tous ces exemples sont proposés avec des marges de manœuvre et des estimations relativement prudentes, justement pour anticiper des éventuelles « surprises » de l’environnement radio qu’on pourrait rencontrer une fois sur place (réseaux Wi-Fi voisins/pirates, interférences, obstacles imprévus, etc.).
Nous voyons dans cet article comme parfois des demandes pour supporter une centaine d’utilisateurs ou plus sur une seule borne avec des débits élevés (20 Mbps/terminal ou plus) trouvent leurs réponses déjà dans les mathématiques du wireless. Le Wi-Fi est avant tout de la radio, même avant de commencer à parler des produits 😉

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