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Economie circulaire: lorsque l’éthique structure


23 June 2011


Vous connaissez l’intérêt que je porte à l’économie circulaire. J’ai déjà consacré plusieurs articles sur le sujet et Cisco s’est engagé avec la Fondation Ellen MacArthur qui travaille à transformer notre économie vers l’économie circulaire.

Je voulais partager un essai que je trouve excellent sur les rapports entre l’économie circulaire et l’éthique professionnelle. Cet essai a été présenté lors du concours organisé par le Rotary et la Conférence des Grandes Ecoles en mai 2011 et a reçu une distinction particulière avec une mention spéciale du jury (prix national).

L’essai a été écrit par une étudiante de l’Ecole de Management de Strasbourg, Mélodie Seznec. Tiens, ce nom me dit quelque chose. Mais bien sûr! Il s’agit de ma fille! 😉

Mélodie Seznec reçoit son prix

Mélodie Seznec reçoit son prix

Indépendamment de tout favoritisme ou de tendance au népotisme, je trouve l’essai bien construit, bien argumenté et bien illustré. Il faut avouer que je l’ai relu ! 😉

Je pense que cet article souligne les bénéfices de l’approche systémique de l’économie circulaire qui inclut les diverses externalités (comme l’éthique) dès la conception.

Je vous laisse découvrir l’article.

Olivier.

Angle d’approche

Au cours de mes études en école de commerce, j’ai pu constater que bien souvent l’éthique est un sujet à part dans le monde de l’entreprise. Une entreprise possède une gamme de produits que nous qualifierons de « normaux » et un produit à part avec des caractéristiques éthiques (une juste rémunération des sous-traitant, matériaux biologiques etc..). Une autre entreprise pourra adopter une charte éthique et continuer à commercialiser des produits non-éthiques. Ainsi donc, l’éthique ne semble jamais – ou du moins très rarement – être intrinsèque à une entreprise.

L’envie de participer à ce concours m’est venue en lisant Cradle to Cradle, en français : du berceau au berceau, l’ouvrage de Michael Braungart et William McDonough, expliquant les concepts de l’économie circulaire. Leur vision m’a apporté une nouvelle perspective où l’éthique,  au lieu de s’additionner à un système traditionnel, devient la structure même du système. Au lieu d’être un outil légitimant, l’éthique devient la raison d’être de l’économie. Je souhaite partager ma découverte à travers cet essai.


Synthèse de l’essai

Un état des lieux de la place de l’éthique dans l’entreprise d’aujourd’hui permet de constater que, bien souvent, elle  justifie, légitime, donne de la valeur, mais dans la plupart des cas ne résulte que d’un besoin latent qui se révèle en fonction des risques au gré des projets menés par les entreprises. L’éthique s’ajoute in-fine à la stratégie des entreprises. Certains dirigeants s’évertuent encore à se poser la question : avons-nous vraiment besoin d’éthique?

Les multiples défaillances de notre système économique actuel ne cessent de nous montrer ses limites. La sonnette d’alarme a été tirée, il est l’heure d’avancer de nouveaux modèles. Nous proposons celui de l’économie circulaire. Un modèle fermé, inspiré de la nature, où les ressources circulent de manière infinie et où les déchets deviennent des ressources. Chaque élément et ses externalités positives et négatives sont tous pris en compte et valorisés : rien ne se perd, tout se crée, tout se transforme ! Ce modèle propose une nouvelle vision de l’éthique, intrinsèque à l’économie. Dans ce modèle l’éthique est une condition vitale pour une réussite durable.


Bibliographie


  • Livres

(1)  McDonough W., Braungart M., Cradle to Cradle, remaking the way we make Things, 2002.

(2)  Madoz J-P., Ethique professionnelle, collection « 100 questions pour comprendre et agir », AFNOR, 2007

  • Périodiques

(3)  magazine littéraire, Lévinas : Ethique, religion, esthétique : une philosophie de l’Autre. N°419, Avril 2003.

  • Internet


(4)  Green biz, http://www.greenbiz.com/

(5)  Ellen McArthur Foundation, http://www.ellenmacarthurfoundation.org/business

(6)  Cradle to Cradle portal, http://www.c2cportal.net/

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« En ce moment la plus grande nécessité économique de l’Amérique c’est d’avoir

des règles éthiques plus sévères, des règles renforcées par des lois strictes et soutenues par des chefs d’entreprises responsables.  »

     George W. Bush, ancien président des Etats-Unis, discours sur la responsabilité des

entreprises – 9 juillet 2002 –




Introduction

La notion d’éthique est omniprésente et a été appliquée à tous les domaines, banalisée, vulgarisée. Sollicitée lors de chaque conflit, nous pouvons dire qu’elle est mise à mal. L’un des pères de l’éthique, Emmanuel Lévinas, a commencé ses études de philosophie à Strasbourg, au sein de la même université où j’ai la chance d’étudier aujourd’hui. Je me suis donc attachée à son approche de l’éthique publiée en 1961 au travers de sa thèse : Totalité et Infini. Il ne s’agit pas pour lui de construire une éthique, en énonçant des règles morales, mais plutôt de dégager la signification  générale du rapport d’éthique ; l’éthique dans son oeuvre est un événement : la rencontre de l’Autre. L’éthique signifie alors la mise en question de l’égoïsme du moi par autrui. C’est une relation marquée du sceau du désintéressement où le sujet est responsable de l’autre sans exiger une quelconque réciprocité.

Qu’est-ce que l’éthique professionnelle? L’éthique professionnelle est définie par l’AFNOR comme « inscrite dans la liberté personnelle d’agir et dans les choix individuels du principal dirigeant de l’entreprise. Elle se fonde sur des valeurs universelles et sur la volonté d’être au service de l’homme, du bien commun et de la société dans son ensemble. L’éthique va au-delà des intérêts du dirigeant, de l’entreprise ou d’un seul des parties prenantes ». L”éthique professionnelle a pris de l’ampleur face à la pression exercée par l’ensemble des parties prenantes depuis les années 80 et avec l’avènement de la « démocratie du consommateur », où le consommateur a un pouvoir égal à celui des entreprises (selon les termes de Sergio Zyman ancien patron marketing de Coca Cola). La montée en puissance des nouveaux moyens de communication, facilitant la circulation de l’information, a progressivement obligé les entreprises à adopter des stratégies éthiques. Le philosophe Jacques Derrida, ami d’Emmanuel Lévinas, nous met en garde : « Une des formes les plus inquiétantes de ce que vous appelez défaut de lucidité ou la récupération, est l’utilisation, aujourd’hui si répandue et si facile, de l’instance présumée éthique pour neutraliser l’urgence inéluctable et la conflictualité tragique des responsabilités politiques »[1]. Ce n’est donc pas une coïncidence qu’Emmanuel Lévinas soit devenu « à la mode » dans les années 80.

Lors d’une conférence dans mon école un intervenant à demandé aux élèves présents : « De quoi une entreprise a-t-elle besoin ? » Les réponses ont été unanimes : « Faire des profits! » A en croire ces mêmes élèves, la question de l’éthique est subsidiaire. Les entreprises ont-elles en effet besoin d’éthique? Ce besoin est bien souvent latent et se révèle en fonction des risques qui apparaissent, lors des projets menés par l’organisme ou par ses partenaires. L’éthique est un champ de tensions qui se situe entre l’intérêt de l’entreprise, l’intérêt général et les intérêts d’autrui.

La question paraît réglée! Mais pourtant, depuis la révolution industrielle, c’est la neuvième crise majeure que nous subissons. Peut-être est-il temps de questionner notre système et de proposer un nouveau modèle économique. Peut-être avons nous effectivement besoin d’éthique, bien plus que ce que les futurs dirigeants veulent penser.


[1]   Derrida avec Leninas, entretien, dossier sur Levinas, magazine littéraire, N°419 Avril 2003.

  1. Quelle place pour l’éthique dans l’économie aujourd’hui?

Nous sommes conscient des mauvaises conditions du travail de certains peuples et des relations inéquitables entre les pays depuis l’antiquité et nous connaissons l’implication de l’homme dans la dégradation de l’environnement depuis déjà 50 ans, lors de la publication du livre Silent Spring[1] de Rachel Carson. Et pourtant quelles actions avons nous entrepris contre ces dysfonctionnements? Il semble que nous soyons tous concernés par ces problématiques. Mais qui est impliqué? C’est là toute la différence. D’où la célèbre boutade de l’oeuf au bacon confrontant la poule concernée fournissant l’oeuf et le porc impliqué fournissant le bacon…

Emmanuel Lévinas pense que l’éthique naît de cette confrontation à l’Autre. Alors que nous réalisons pleinement les conséquences désastreuses ou positives que peuvent avoir chacune de nos actions dans le monde de l’entreprise sur l’Autre (comprendre ici les sphères sociales, environnementales…), nous comprenons  très bien le développement de l’éthique. D’abord essentiellement porté par le mouvement écologique, d’autres disciplines ont maintenant pris le relais. Ainsi le grand philosophe français, Michel Serres, membre de l’académie française déclarait en mars 2011 : « Je vois nos institutions luire d’un éclat semblable à celui des constellations dont les astronomes nous apprirent qu’elles étaient mortes depuis longtemps déjà. » [2] Son discours, prononcé à l’Institut de France lors de l’ouverture d’un colloque sur la nécessité d’une réforme de l’éducation, rejoint la vision que nous cherchons à partager ici, celle d’un monde arrivé à ses limites et qui se doit de changer le plus prestement possible, alors même que la gloire de son système continue de faire des émules. Quelle difficulté !

Le besoin d’éthique pour les parties prenantes est aujourd’hui compris par les entreprises. Elles l’incorporent à leurs stratégies. En ajoutant dans leurs départements des postes de «  responsables éthiques », elles se dotent d’engagement moraux vis à vis de la communauté par le biais de chartes éthiques. Ces démarches de recherche et de valorisation de l’éthique sont toutes louables, même si quelquefois elles servent à cacher une face bien triste et noire (l’ONG Greenpeace les nomme greenwashing ou éco-blanchiment). Les manuels scolaires indiquent que pour adopter ces stratégies éthiques de manière profonde et réelle, les entreprises se doivent de changer structurellement. Mais combien se transforment vraiment? Nestlé vient d’être élue par le magazine Fortune dans le top 10 des entreprises les plus responsables. J’avais pourtant l’image d’une entreprise qui avait rendu le prix du lait bien trop élevé pour tout un continent, obligeant ainsi des mères à acheter du lait en poudre et des bouteilles d’eau minérales Nestlé pour pouvoir nourrir leurs enfants.

Je ne peux me résoudre à croire que le rachat systématique de coopératives[3] de lait en Inde et en Chine par Nestlé soit responsable. Il est vrai que Nestlé s’est démarquée par le nombre de financements philanthropiques durant les dix dernières années, mais n’étaient-ce pas tout simplement pour racheter leur image tant entachée de scandales? Il ne faut point confondre la responsabilité sociale et la philanthropie. Une entreprise Nestlé responsable et éthique se serait engagée depuis longtemps à commercialiser des cafés biologiques et équitables, au lieu de se satisfaire et de se vanter d’atteindre péniblement à peine 1% de la totalité du café commercialisé.

L’éthique n’a pas pleinement sa place dans notre système. Notre économie est linéaire. Les produits sont conçus à notre image : ils naissent, vivent, meurent. Le système entier est individualiste. L’idée d’éthique, entendons là, la mise en question de notre égoïsme par Autrui, est subsidiaire. En effet, si l’éthique professionnelle existe dans une entreprise, elle l’est presque uniquement sous la forme d’une addition. Une entreprise lambda essaie de réduire ses déchets et de les recycler, mais très rarement de les valoriser, d’en constituer une richesse pour Autrui.


  1. Quels sont les liens entre l’éthique et le développement soutenable ?



Le développement durable, ou soutenable comme le disent les anglophones, est selon la définition du rapport Bruntland de 1987, « un développement qui répond au besoin des générations du présent, sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Cet intérêt pour Autrui est profondément éthique. Ce développement prend en compte tous les impacts d’une action sur ce qui n’est pas le moi. Le développement durable s’attache à trois champs : le social, l’environnemental et l’économique. L’éthique cherche également à intervenir dans ces trois champs. Le postulat que nous faisons dans cette partie est que l’éthique et le développement durable ne peuvent se développer pleinement dans notre système économique car au jour d’aujourd’hui ce sont des notions ajoutées in-fine au système.

L’éthique aujourd’hui procède comme du recyclage : une addition à un système antérieur. A la base, notre économie n’avait pas prévu ni éthique, ni recyclage. Seulement, confrontées à leurs limites et à leur impact désastreux sur l’environnement, les entreprises ont commencé à prendre en compte ces notions comme critères additionnels. Aujourd’hui le recyclage paraît être une solution adéquate à la gestion des déchets. Pourtant, les produits n’ont pas été conçus en ce sens et s’avèrent complexes à recycler (du papier inséparable de son encre, une canette d’aluminium de sa peinture..). Souvent, le recyclage conduit au sous-cyclage, l’obtention de matériaux nettement plus pauvres que les matériaux initiaux, quelques fois inutilisables sans l’adjonction de nouveaux produits toxiques (comme pour le papier recyclé, blanchi avec de fortes doses de produits dangereux afin d’être réutilisable). Un récent article de la BBC[4] a d’ailleurs révélé au public que les emballages recyclés peuvent intoxiquer leur contenant, ce risque était pourtant connu depuis de nombreuses années. Pour en revenir à l’éthique, la situation est la même à partir du moment où la structure initiale n’a pas changé. L’éthique n’aura qu’un champ d’intervention limité car elle s’ajoute à une structure non éthique à la base, et qui n’a pas été imaginée dans cette optique. Et de même que pour le recyclage,  avec le sous-cyclage,  l’adjonction de l’éthique ne sera qu’un ersatz de l’éthique.

« Malgré ma colère, je ne suis pas aveugle et malgré ma peur, je n’ai pas peur de changer le monde comme je le sens. » nous déclarait Severn Cullis – Suzuki du haut de ses 12 ans, lors du sommet de la terre de Rio de Janeiro en 1992. Un an plus tôt, Michael Braungart et Bill Mc Donough se rencontraient pour la première fois et imaginaient ensemble une économie circulaire, où les déchets des uns deviennent ressources pour les autres, où tout produit est pensé en cycle, pour un recyclage vertueux infini, où la nature sert de modèle. Un modèle éthique.



  1. La boucle est bouclée : Lorsque l’éthique structure l’économie

“L’entreprise doit faire des profits sinon elle mourra. Mais si l’on tente de faire fonctionner une entreprise uniquement sur le profit, alors elle mourra aussi car elle n’aura plus de raison d’être.” Henry Ford, lui même fit cette déclaration. L’intérêt de l’économie circulaire réside dans un modèle économique imaginé pour les entreprises dans le but de réaliser du profit, mais de manière environnementale et éthique.

L’économie circulaire[5] s’apparente au biomimétisme, une approche s’inspirant de la nature qui considère notre système économique comme un organisme acteur d’un écosystème, avalant et rejetant des nutriments. Tout comme dans la nature, dans une économie circulaire, le concept de déchet ultime n’existe plus : les déchets deviennent des ressources. Ces ressources circulent infiniment dans deux boucles closes : un cycle de flux de ressources organiques, et un cycle de flux de ressources techniques (les matériaux plastiques ou métalliques par exemple). Les produits sont ainsi conçus avec l’idée qu’ils seront un jour démantelés et recyclés, chaque matériau étant connu, sain et parfaitement séparable des autres pour un recyclage infini.

L’économie circulaire tend à retrouver la richesse de la nature : en partant du principe que les systèmes complexes dotés de connexions et de strates multiples sont plus résistants aux chocs extérieurs que les systèmes conçus pour leur seule efficacité ; la diversité devient une force. Le dernier élément important est la juste estimation des prix. Les prix des produits et services de l’économie circulaire reflètent la réalité : intégrant les externalités de l’activité économique dans le prix. La certification C2C[6] (Cradle to Cradle) contrôlant la composition chimique précise, l’énergie requise pour la production, le potentiel de réutilisation, l’impact environnemental… permet de connaître précisément les produits participants de l’économie circulaire.

Lors de la conception de leurs produits et services, les entreprises de l’économie circulaire répondent à trois questions fondamentales : est-ce bon pour l’homme? Est-ce bon pour l’économie? Est-ce bon pour l’environnement? Examinons maintenant si l’éthique est réellement intégrée pour autant.

L’éthique professionnelle aborde trois dimensions : celle de chacun au sein de l’organisme, celle de l’organisme et celle de ceux qui sont externes à l’organisme.

La première dimension de l’éthique professionnelle est celle de chacun au sein de l’organisme. Les entreprises adoptant une démarche d’économie circulaire travaillent en concertation avec les employés et les encouragent à prendre part au changement. Cette démarche affecte chacun et tous y prennent part. L’usine Herman Miller aux USA, fabricant de mobilier de bureau, a ainsi été conçue dans le souci du respect des employés. En effet, l’espace de travail avec les machines est éclairé par de grands puits de lumière naturelle et de la végétation orne les espaces communs.. L’une des conséquences a été la chute du taux d’absentéisme, normalement assez élevé dans ce genre d’industrie et une plus grande satisfaction de la part des employés.

La seconde dimension de l’éthique professionnelle est celle de l’organisme lui-même. Elle semble être la plus évidente, étant donné que toute entreprise, quelle qu’elle soit, est dirigée par un homme ou une femme qui possède ses propres valeurs morales. Mais pour que l’éthique s’applique au sein de l’organisme, les seules valeurs du dirigeant ne sont pas suffisantes. Celui-ci doit faire preuve d’une transparence envers les parties prenantes, et doit collaborer avec ses conseils d’administration ou de surveillance et ses employés. Ce modèle à été mis en place lors de la concertation pour la réhabilitation des anciens bâtiments de Ford dans le Michigan. En 1999, William Clay Ford Jr, président du groupe Ford Motor Company fit l’annonce que l’usine de River Rouge allait bénéficier de 2 milliards de dollars de travaux afin de réhabiliter les bâtiments et de restaurer le milieu. La première étape fut la création d’une « Rouge Room », où tous les acteurs (architectes – biologistes – conseil d’administration etc…) de ce changement allaient se réunir. Les employés furent également invités à prendre part aux discussions. Allant à contre-courant de la tendance de l’industrie automobile, en menant une politique entièrement éthique et responsable, Ford a réussi à revaloriser son site historique américain en toute transparence.

La troisième dimension de l’éthique professionnelle, est celle liant l’organisme à l’environnement social et environnemental. L’exemple du restaurant De Kas, situé à Amsterdam [7] illustre parfaitement ce point dans la réflexion qu’il a développé autour de ses interactions avec son milieu. Les déchets organiques sont utilisés de deux manières. La décomposition d’une partie, fournit le gaz valorisé ensuite comme chauffage. L’autre partie sert de nourriture pour un élevage de poisson, ensuite réutilisé comme nourriture par le restaurant. Les eaux usées sont traitées localement par lagunage, un bassin de traitement à base de plantes. Ce restaurant a ainsi réussi à former des cycles fermés d’énergies et de nutriments à l’échelle locale.

Reprenons l’image développée dans Cradle to Cradle du cerisier en fleur parsemant de fruits la terre. Sur la multitude de ces fruits seulement quelques uns se transforment à leur tour en arbre. Et pourtant les autres fruits tombés ne deviennent pas des déchets : en pourrissant ils nourrissent la terre  et participent pleinement à l’écosystème. Les entreprises de l’économie circulaire sont telles ce cerisier. Il n’est plus question de « minimiser l’impact », bien au contraire, mais de rechercher la plus grande interaction possible avec l’environnement (social et écologique). L’économie circulaire désire l’exubérance, la richesse, la diversité et le plaisir.

Conclusion

Le siècle dernier à été le théâtre de grands bouleversements au niveau mondial. La France a eu la chance de se démarquer par sa richesse culturelle et intellectuelle et de pouvoir ainsi devenir un acteur important du système économique mondial. Ce même système, autrefois vu comme vecteur de progrès, est aujourd’hui en crise. Les crises sociales, écologiques, la pression montante des parties prenantes, ont progressivement amené les entreprises à considérer des réponses éthiques, durables et responsables. Cependant ces actions ne font que s’ajouter in-fine à un système justement fini. L’implication de ces valeurs au sein des entreprises s’en trouve limitée. Un changement de la structure du système paraît nécessaire.

J’ai en tête cette phrase d’Albert Einstein : « Nous ne sortirons jamais de la crise avec la mentalité qui a crée la crise en premier lieu. »

Nous avons proposé à travers cet essai une autre façon d’envisager l’éthique, autrement dit un autre paradigme, une autre manière de concevoir l’économie. Ce modèle, à l’inverse de ceux qui opposent écologistes et industriels, est destiné à réconcilier les deux clans dans une dynamique positive. Le problème de l’inclusion de l’éthique dans l’économie est sublimé dans une nouvelle alliance mariant l’économique, l’environnemental et l’éthique.  Les principes de l’économie circulaire existent depuis vingt ans, et, progressivement, des entreprises s’y convertissent, des grands groupes, tels Nike et Ford, s’y intéressent de près. Des états, comme les Pays-Bas commencent à intégrer des notions d’économie circulaire dans leur politique d’achat public. La France saura-t-elle  comprendre l’opportunité formidable de l’économie circulaire, sa dynamique environnementale et éthique et en devenir un des chantres ?

Le temps n’est plus à l’espoir en un monde meilleur, mais à l’action !

Mélodie Seznec

Mai 2011


[1]   Silent Spring – en français : printemps silencieux- décrit de manière scientifiques les liens entre l’utilisation abondante de pesticides et la mort de certaines espèces d’oiseaux aux USA.

[2]   Le monde.fr, éduquer au XXIe siècle par Michel Serres, http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/05/eduquer-au-xxie-siecle_1488298_3232.html

[3]            Des informations précises sont données dans le rapport 2009 du développement durable Nestlé.

[4]             BBC, Food sold in recycled cardboard packaging poses risk, 8 March 2011, http://www.bbc.co.uk/news/uk-12663183

[5]   Ellen McArthur foundation, Chapter II : The circular model founding principles, 20 Aout 2010,  http://www.ellenmacarthurfoundation.org/about/circular-economy/part-ii-the-circular-models-founding-principles

[6]          C2C portal, the #1 independent source for all things cradle to cradle, http://www.c2cportal.net/


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