Sabrina Greupner est la nouvelle boursière en sciences pour les technologies pédagogiques innovatrices de Cisco au Centre des sciences de l’Ontario. Il s’agit de la première bourse de recherche de Cisco octroyée en lien avec une institution muséale.
Si vous êtes à la jonction de ce diagramme magique de Venn où les maniaques des technologies et le personnel muséal, il y a deux congrès qui devrait vous attirer comme un aimant attire la limaille : le congrès sur l’informatique muséale Museum Computing Network (MCN) et le forum sur le musée dans l’espace Web, Museums and the Web. Un congrès des professionnels qui s’intéresse aux pratiques et aux technologies numériques dans le milieu de la culture, MCN a récemment eu lieu à Minneapolis et l’un des sujets d’actualité qui y était traité était l’Internet des objets (IDO). L’Internet des objets peut-il rendre la visite d’un musée encore plus impressionnante, et si oui, comment?
Au cours des dernières années, certaines institutions culturelles avant-gardistes ont piloté un certain nombre de projets exploitant les capacités des technologies numériques à des fins muséales. Certains musées espèrent ainsi conserver leur intérêt dans un monde où les faits peuvent être consultés en une recherche rapide sur Google et où de plus en plus d’offres culturelles rivalisent pour engranger chaque dollar dépensé en divertissements éducatifs. Pour d’autres, le monde du numérique offre l’occasion unique d’améliorer ce que les visiteurs peuvent y voir et les activités qu’ils peuvent y faire.
Ici, au Centre des sciences de l’Ontario, les appareils de réalité enrichie ont permis aux parents de susciter l’intérêt de leurs enfants grâce au contenu éducatif juxtaposé du parc pour enfants KidsPark. Dans ce jardin d’enfants extraordinaire, des codes QR invitent les parents ou les éducateurs à télécharger des guides ou des livres électroniques, des iPad fixes affichent un contenu animé pour montrer comment les cavernes se forment et des kiosques interactifs demandent l’opinion des visiteurs sur des sujets scientifiques d’actualité. Même si certains visiteurs se précipitaient pour avoir la chance d’utiliser ces nouveaux outils, le projet comportait néanmoins des difficultés d’ordre technique (« Quoi? Pas de Wi-Fi gratuit! Laissez-moi sortir! ») et culturel (« J’ai amené mes enfants ici pour les éloigner de leurs écrans! »).
Les musées, les galeries et les centres des sciences sont généralement des endroits où les visiteurs se rendent pour saisir une réalité et interagir avec elle et avec des objets de manière différente que dans leurs vies quotidiennes. Même si des technologies existent, cela ne veut pas forcément dire qu’il faille absolument les utiliser. Comme Jessica Gelt du LA Times nous le fait comprendre dans son récent article sur les musées et la « culture de l’égoportrait » : « Pour chaque conservateur ou visiteur de musée qui adore les applications informatiques et le gadget du moment se trouve un esthète de l’expérience muséale purement analogique qui recherche la solitude et qui estime que les écrans pixélisés et les appareils interactifs empêchent d’en retirer l’essence même.
Il s’agit alors de décider de la meilleure façon d’utiliser le numérique pour faire participer les visiteurs et améliorer leurs expériences sans dénaturer l’œuvre « réelle ». Les institutions culturelles jonglent avec ce dilemme en ce moment. Même si les assises techniques sont déjà en place (cette année, grâce à Cisco, les réseaux sans fil peuvent s’étendre à un édifice au complet), quelles sont les implications culturelles et sociales du musée du 21e siècle branché?
Puisqu’une multitude de visiteurs se promènent désormais avec leurs propres appareils mobiles, « l’application muséale » est une approche assez répandue. Des visites d’orientation ou audioguides, aux messages envoyés en fonction de la localisation avisant les utilisateurs qu’une séance d’information ou qu’un film est sur le point de commencer, les applications muséales juxtaposent une couche d’information numérique qui ajoute un complément d’information aux objets exposés. Puisque l’information n’est fournie qu’à la demande du visiteur, il s’agit d’une couche transparente enrichie d’informations contextuelles (pas besoin de monter des écrans sur tous les murs des musées) pour les personnes qui veulent explorer plus en profondeur et remonter la référence numérique du contenu.
Cette couche de données numériques peut être une visite de base avec audioguide qui vous fait suivre un itinéraire sur une carte ou qui vous invite à localiser des pièces exposées numérotées séquentiellement. Elle peut aussi prendre la forme d’une technologie plus évoluée, car sensible à la localisation en suivant les déplacements de l’utilisateur et en transmettant à la demande les contenus et les informations d’intérêt.
Mais ce n’est pas tout le monde qui dispose d’un téléphone intelligent ou qui souhaite l’utiliser sur place. Et il y a ce « petit » problème ennuyeux lié à la confidentialité et à la collecte des données lorsque les technologies de géolocalisation comme les balises et les étiquettes RFID interagissent avec des appareils personnels.
Grâce à l’IDO, un nouvel éventail d’options se déploie. Selon Timusk Martin, directeur de la technologie de l’information au Centre des sciences de l’Ontario : « Plutôt que d’utiliser des téléphones intelligents qui sont personnels et confidentiels, nous pourrions leur donner un dispositif intelligent et anonyme branché à l’Internet des objets qu’ils peuvent épingler sur leurs vêtements ou le laisser pendre à une courroie au cou pour faire le pont avec leur propre appareil. Les visiteurs peuvent interagir avec les pièces exposées, collectionner les objets virtuels, se situer sur une carte interactive, envoyer des informations intéressantes et des contenus supplémentaires chez eux ou sur des comptes de réseaux sociaux… il y a de nombreuses possibilités que ces liens entre des objets bon marché peuvent créer ».
Des projets de ce type sont en cours, notamment le projet meSch, (Material EncounterS with digital Cultural Heritage ou, en français, Expérience réelle du patrimoine culturel numérique). Un consortium de six partenaires européens, meSch a pour objectif de « concevoir, mettre au point et déployer des outils pour la création d’expériences interactives réalistes reliant de façon novatrice la dimension physique des musées et des expositions à l’information numérique multimédia correspondante ». En d’autres termes, ils ont pour mandat d’explorer les modes d’emploi d’objets et d’espaces intelligents qui améliorent l’expérience des visiteurs. Par exemple, un guide électronique physique qui réagit aux artéfacts culturels et qui déclenche des séquences multimédias au cours de la visite guidée ou une « loupe virtuelle » qui ajoute une couche de contenu numérique aux écrans relatifs à des objets de l’antiquité.
Finalement, il s’agit d’offrir aux visiteurs des options numériques qui bonifient l’expérience, mais qui ne les détournent pas des espaces et des contenus « réels » qu’ils sont venus voir en premier lieu. Pour que les technologies donnent les résultats escomptés, il faut qu’elles coulent de source à partir de l’expérience sociale que représente la visite d’un musée. Elles doivent aussi offrir beaucoup plus de points de contact où les personnes sont susceptibles d’interagir avec l’information, de s’en informer et de la diffuser.
Avez-vous de bonnes idées sur des façons dont les technologies peuvent aider à susciter l’engouement pour les sciences et à parfaire les connaissances scientifiques du grand public? Faites-moi signe en écrivant à @CISCOmuse ou sabrina.greupner@osc.on.ca