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Focus Expert | 802.11ax : la haute efficience du Wi-Fi

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Avec l’officialisation imminente du prochain standard IEEE 802.11ax, nous allons voir dans cet article les points techniques clés et les dates à retenir dans son cycle de vie. Pour l’occasion, nous essayerons de revenir un peu vers le passé aussi, sur les bancs d’école : si on souhaite creuser un peu dans les spécificités du 802.11ax, il faut parfois passer par quelques exercices de maths. C’est parti !

Il est probablement intéressant de démarrer déjà par une petite clarification sur les objectifs de ce nouveau standard. L’IEEE 802.11ax est aussi appelé « High Efficiency WLAN » (HEW), car il essaie de répondre à des besoins d’amélioration de l’efficacité du Wi-Fi, ainsi que de performance bien évidemment, en vue des besoins autour des déploiements Wi-Fi à très haute densité de ces dernières années et des prochaines à venir.
Il répond à ces atteintes de trois façons : en améliorant les débits, l’efficience spectrale et l’efficience énergétique.

Un peu d’administratif pour bien démarrer…
Avant de plonger dans les détails de ces principales avancées techniques, il est important aussi de rappeler les différentes dates et les étapes d’officialisation du 802.11ax. L’approbation finale du standard est actuellement prévue par l’IEEE pour fin 2019. Cependant, comme pour WPA qui certifiait une partie du standard 802.11i (après certifié de manière plus étendue par WPA2), ou encore comme pour le 802.11n, pour lequel il y a eu d’abord un Draft 2.0 (littéralement, un brouillon), le 802.11ax sera probablement certifié par la Wi-Fi Alliance (WFA) par étapes, sur la base des « Drafts » et des versions mis à disposition avant l’officialisation ultime prévue en fin 2019.
L’IEEE définit en effet un standard, mais c’est la Wi-Fi Alliance (WFA) qui certifie que les terminaux et les bornes Wi-Fi des différents constructeurs respectent les spécifications imposées par le standard ou un « Draft » si ce dernier n’est pas totalement finalisé. C’est pour cela que le 802.11ax est déjà en train de faire la Une parmi les nouvelles technologies wireless : la WFA prévoit de démarrer les premières certifications à court termes, vers fin 2018 / début 2019, sur la base des versions du standard qui spécifieront déjà certaines fonctions. Ces versions ne devraient pas changer d’ici l’officialisation finale, mais elles verront plutôt arriver des ajouts si vraiment nécessaire.

Amélioration des débits
Il serait excessif d’analyser tous les détails mathématiques de chaque fonction (il y a d’autres livres et documents beaucoup mieux écrits sur ce sujet…), mais nous allons quand même lister quelques améliorations parmi les plus innovantes qui permettront la montée en débit pour les futurs réseaux wireless.
Pour faire « simple », quand on veut émettre un signal Wi-Fi avec la plus récente technique d’encodage OFDM (Orthogonal Frequency Division Multiplexing), on utilise plusieurs signaux en parallèle, centrés sur plusieurs fréquences sous-porteuses, et orthogonaux l’un avec l’autre. La séparation entre les sous-porteuses étant l’inverse de la période d’un symbole émis, la « crête » d’une sous-porteuse correspond ainsi aux zéros d’autres sous-porteuses à côté et cela permet d’éliminer les interférences entre des sous-porteuses à la base très proches les unes des autres.

Pour littéralement transformer la représentation d’un symbole émis dans le temps vers le domaine des fréquences, plus simple à représenter et permettant des calculs plus faciles, on utilise les fonctions de transformations de Fourier. Plus en particulier, nous utilisons la transformation discrète de Fourier (DFT, Discrete Fourier Transform) et toute une série d’algorithmes pour augmenter la rapidité de calcul de la DFT, connue sous le nom de Fast Fourier Transform (FFT). Pour être encore plus précis, les DFT et FFT sont utilisées en réception, alors qu’en émission on utilise plutôt leurs fonctions inverses, IDFT (Inverse Descrete Fourier Transform) et IFFT (Inverse Fast Fourier Transform). Tout cela pour dire que jusqu’à aujourd’hui une partie des hauts débits garantis par le standard 802.11ac était obtenue grâce à des FFT calculées avec 64, 128, 256 et 512 points (on va peut-être s’arrêter là avec les maths). Le 802.11ax de son côté supportera des FFT à 256, 512, 1024 et même 2048 points.
Cela impliquera aussi que la séparation entre sous-porteuses, qui jusqu’au 802.11ac était de 312.5 kHz, descendre avec le 802.11ax à 78.125 kHz et, par conséquent, la durée du symbole augmentera de 3.2 µs à 12.8 µs (1 / 78125 Hz = 0.0000128 s). A tout cela on va également ajouter des intervalles de garde de 0.8 µs, 1.6 µs ou 3.2 µs entre symboles, qui pourront varier selon le type de déploiement. Les réseaux Wi-Fi en extérieur utiliseraient par exemple des intervalles de garde plus élevés pour augmenter la robustesse des signaux, alors qu’en intérieur on pourrait se permettre d’employer des intervalles plus petits pour offrir plus de débit. Ces intervalles de garde ne contribuent donc pas seulement aux performances, mais également à l’efficience spectrale et à la fiabilité d’un réseau 802.11ax.

En émission, avant de passer par les calculs IFFT, une série de bits (i.e., de 1 et 0) représentant notre donnée est d’abord repartie en plusieurs sous-séries parallèles, ou flux, et chacun de ces flux est mappé (ou modulé) vers un symbole en utilisant différentes techniques de modulation (par ex., Phase-Shift Keying – PSK, Binary Phase-Shift Keying – BPSK, Quadrature Amplitude Modulation – QAM, etc.). Selon la technique de modulation choisie, on peut envoyer des symboles plus ou moins « riches » en bits, contenant plus ou moins de données, donc plus ou moins performants. Parfois on parle aussi de « constellations » pour représenter les symboles (i.e., nos groupes de bits modulés) sur un plan (X,Y), ou plutôt (I,Q) pour être exact. En PSK, par exemple, la distance du point (0,0) représente une mesure de l’amplitude et l’angle (mesuré dans le sens inverse des aiguilles d’une montre à partir de l’axe X, ou I) représente le décalage de phase.

Plus la technique de modulation est avancée, plus de bits on peut « mapper » dans un même symbole, en augmentant ainsi les performances (i.e., le bitrate ou datarate). Cependant, les symboles d’une constellation plus performante sont aussi beaucoup plus proches les uns des autres par rapport à une constellation moins performante. Par conséquent, une constellation plus performante est également plus « délicate », en présentant un risque plus élevé de « confondre » un symbole avec ses voisins.
Si le 802.11ac monte à des techniques de modulation 256-QAM, le 802.11ax supportera une modulation 1024-QAM.
En résumant, avec plus de points de calculs (I)FFT, une durée de symbole plus élevée, des intervalles de garde plus adaptés, des techniques de modulation plus performantes, en 802.11ax on pourra atteindre des débits nominaux (ou datarate) entre 600 Mbps et 4.8 Gbps par client, en considérant des largeurs de bande à 80 MHz et en variant de 1 à 8 spatial streams.

Il est en effet important de remarquer que, pour supporter une technique de modulation aussi avancée et « fine » que le 1024-QAM, les équipements 802.11ax supporteront également davantage d’antennes en émission (Tx) et réceptions (Rx), donc plus de spatial streams aussi, qui pousseront les débits encore plus loin par rapport aux standards précédents.
Surtout dans les réseaux WLAN à très haute densité, pour garantir ces performances élevées en présence de beaucoup de terminaux, il faudra également améliorer la fiabilité et l’efficience spectrale.

Efficience spectrale
Pour supporter de plus en plus de terminaux et par conséquent optimiser l’allocation des ressources du spectrum Wi-Fi, une nouvelle amélioration introduite par le 802.11ax sera le passage de la technique OFDM à la technique OFDMA (Orthogonal Frequency Division Multiple Access).
Adopté par les standards 802.11a/g/n/ac, OFDM utilise plusieurs fréquences sous-porteuses (ou « sub-carriers ») parmi celles disponibles dans la bande à 20/40/80/160 MHz et centrées autour des fréquences principales (ou « Direct Current sub-carriers », DC). Un terminal Wi-Fi un canal à un instant donné, ainsi que ses sous-porteuses : pendant ce temps-là d’autres clients ne peuvent pas transmettre/recevoir et doivent bien détecter que le canal est déjà occupé. Cela optimise très bien l’utilisation de la bande entière d’un même canal Wi-Fi, mais oblige toujours à réserver toutes les sous-porteuses pour un seul client, ou pour être plus exact pour un seul symbole, peu importe le type de trafic/paquet transmis par ce client.

OFDMA permet d’allouer différentes « Resources Units » (RUs) à différents clients, une RU étant un groupe de sous-porteuses. Plusieurs clients Wi-Fi peuvent ainsi transmettre ou recevoir en parallèle, en étant affectés à différentes sous-porteuses de la même bande du canal Wi-Fi. Une RU est formée par au moins 26 sous-porteuses. On parle par exemple de « RU26 » pour désigner une RU de 26 sous-porteuses, « RU52 » pour une RU de 52 sous-porteuses, ou encore « RU106 » pour une RU de 104 sous-porteuses plus 2 sous-porteuses « nulles » de garde.

En plus de l’optimisation spectrale, OFDMA permet également une meilleure gestion de la QoS et plus précisément de l’allocation des ressources par client, selon les types de trafic échangés (voix, plutôt que vidéo, plutôt que data, etc.). Ce même concept est présent dans les réseaux LTE avec les Resource Blocks (RB) et sera disponible également avec des « ressources virtuelles » en 5G (d’où certains parallélismes qu’on entend souvent entre le 802.11ax et les réseaux mobiles).

Dans l’optique de réduire également les effets de contention entre différents réseaux Wi-Fi, ou pour être encore plus précis entre différentes bornes Wi-Fi, le standard 802.11ax reprend le concept de « BSS Coloring » déjà spécifié dans le standard 802.11ah.
Quand nous nous connectons à un réseau Wi-Fi, nous le connaissons par son nom, ou SSID (Service Set IDentifier). Un SSID est justement l’identifiant d’un réseau Wi-Fi desservi par un ou plusieurs APs (Access Points). Chaque AP de son côté identifie ce même réseau Wi-Fi à travers un BSS (Basic Service Set), qui est représenté par l’adresse MAC radio de l’AP avec l’octet le moins signifiant réservé à chaque SSID. Par exemple, si l’adresse MAC radio d’un AP est 00:11:22:33:44:55 et nous configurons un SSID « WLAN-Employees » et un SSID « WLAN-Guests », le SSID « WLAN-Employees » pourrait être mappé au BSS 00:11:22:33:44:50 et le SSID « WLAN-Guests » au BSS 00:11:22:33:44:51 (ce mappage n’est généralement pas configurable, mais fait de manière automatique par l’AP). De cette façon, deux APs mappent un même SSID chacun vers deux BSS différents, car leurs adresses MAC radio sont différentes. Un terminal Wi-Fi, même si connecté tout le temps au même SSID, sera connecté à chaque fois à un BSS différent, selon l’AP auquel il sera associé.
Le Wi-Fi est d’un autre côté basé sur le Carrier Sense Multiple Access Collision Avoidance (CSMA/CA), qui impose à un terminal d’écouter la radio avant de transmettre, pour déterminer si le medium est occupé et reporter éventuellement la transmission. Pour déterminer si la radio est occupée, un terminal écoute les signaux Wi-Fi sur la même fréquence, mais ne fait aucune distinction entre un signal émis sur le même BSS de l’AP auquel il est associé (intra-BSS) et un signal émis sur le BSS d’un autre AP (inter-BSS). Les signaux intra-BSS ne sont pas différenciés des signaux inter-BSS, contribuant ainsi à devoir reporter une transmission si ces signaux sont détectés.
Le BSS Coloring devrait permettre de réduire précisément ce phénomène de contention ou « interférence » entre terminaux connectés à différents BSS sur la même fréquence, et que parfois on appelle aussi Overlapping Basic Service Set (OBSS). Chaque AP « colorera » son BSS avec 6 bits additionnels, communiqués à un terminal pendant l’association et après présents pendant le reste de la connexion aussi. Normalement, quand un terminal détecte le signal d’un autre terminal (intra- ou inter-BSS) avec une puissance de -82 dBm ou supérieure, il doit reporter sa transmission. Avec le BSS Coloring, cette règle pourra n’être appliquée qu’aux terminaux du même BSS. Si un client Wi-Fi entend un autre client d’un BSS différent en train d’émettre, il pourra l’écarter et éviter de reporter l’envoi de son signal.
Quand tout le monde commencera à émettre en parallèle, n’aura-t-on pas du « co-channel interference » (CCI) ? Si les choses seront bien faites, très probablement non. Un terminal 802.11ax devrait écarter les signaux d’un BSS différent seulement s’il est détecté avec des seuils plus élevés, donc permettant de garder une bonne distinction avec les signaux de son même BSS. Le principe est assez proche de celui d’un restaurant un peu bruyant, par exemple : on ne coupe pas la parole à quelqu’un de notre même table et on n’écoute pas les conversations des tables à côté. Tout cela présume également une réadaptation des puissances d’émission plus fréquente de ce qu’on voit actuellement jusqu’au 802.11ac.

Et si cela ne suffisait encore pas, comme ultime amélioration par rapport au standard 802.11ac, qui avait introduit le support du MU-MIMO (Multi User Multiple Input Multiple Output) pour l’envoi de plusieurs signaux en downlink jusqu’à 4 terminaux en parallèle, le 802.11ax supportera le MU-MIMO en uplink aussi, des terminaux (jusqu’à 8) vers la borne Wi-Fi.

Efficience énergétique
Pour élargir l’utilisation du Wi-Fi à encore plus de scénarios et optimiser la consommation énergétique, dans les déploiements IoT par exemple, le 802.11ax reprendra une nouvelle méthode de mise en veille et réveil des terminaux, appelée Target Wake Time (TWT) et déjà introduite par le 802.11ah.
Aujourd’hui les terminaux supportant le Unscheduled Automatic Power Save Delivery (U-APSD) ou le Wi-Fi Multi Media Power-Save (WMM-PS) peuvent passer en veille et se réveiller quand il y a du trafic pour eux lors qu’un AP annonce cela avec le Traffic Indication Message (TIM) présent dans les beacons Wi-Fi. Cette technique requiert aux terminaux de continuer à écouter de manière périodique les beacons pour « lire » les informations contenues dans l’élément TIM et savoir si se réveiller complètement pour recevoir du trafic.
Grâce au TWT un AP et un client Wi-Fi pourront négocier un temps de veille précis et parfois même très long, pendant lequel le client ne sera pas obligé de continuer à écouter les beacons, en optimisant ainsi ultérieurement la consommation énergétique et même les mécanismes de contention de la radio si besoin.

Et pourquoi on n’y avait pas pensé avant ?
En vérité, beaucoup de ces nouveautés existaient déjà sur le papier depuis quelques temps. Cependant, ce n’est grâce aux dernières avancées technologiques qu’on a pu commencer à projeter des chipsets radio et des algorithmes software assez puissants pour supporter les spécificités du standard 802.11ax.
Il est également important de remarquer que toutes ces innovations ne requerront aucun changement des fréquences utilisées. Le 802.11ax n’introduira aucune nouvelle largeur de bande, par exemple, par rapport au 802.11ac : on restera sur des largeurs de 20, 40, 80 ou 160 MHz (cette dernière très rarement utilisée dans la vraie vie). En plus de cela, à la différence du 802.11ac, le 802.11ax sera supporté dans la bande des 2.4 GHz également, même si la bande des 5 GHz restera privilégiée en termes de nombre de canaux disponibles, donc de performance et résilience aux interférences aussi. Cela ne veut toujours pas dire que des fonctions HW/SW pourront aider à corriger un mauvais design radio : la base d’un réseau Wi-Fi de qualité restera un site survey fait proprement et suivi correctement.
A partir de cela on pourra exploiter toutes les nouveautés introduites par le dernier standard, à condition bien évidemment d’avoir un parc de terminaux Wi-Fi conséquent. Le 802.11ax sera retro-compatible avec des clients ne le supportant pas encore : dans ce cas-là on restera en revanche sur des performances plutôt comparables aux standards actuels. Pour bien bénéficier de toutes les nouveautés qu’on vient d’évoquer, et de beaucoup d’autres encore, il faudra que les clients de notre réseau WLAN supportent aussi le 802.11ax. Ce dernier point soulève en effet la question, pas encore complètement répondue, sur l’arrivée du support du 802.11ax sur nos laptops, tablettes, smartphones, etc. ; l’année prochaine on verra très probablement déjà quelques modèles de terminaux, avec un parc un peu plus élargi pour l’année 2020 très probablement. Sujet à suivre 😉

Cisco reste en tout cas engagé dans le développement et la certification du 802.11ax, avec des ressources dédiées depuis plusieurs années maintenant.
Vous trouverez d’autres détails techniques sur le standard 802.11ax également dans notre livre blanc :
https://www.cisco.com/c/dam/en/us/products/collateral/wireless/white-paper-c11-740788.pdf
et en Français aussi :
https://www.cisco.com/c/dam/global/fr_fr/products/wireless/white_paper_c11_740788.pdf

Authors

Federico Ziliotto

Consulting Systems Engineer

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