Invité du mois : Entretien avec Gérard Pinot, co-fondateur de Génie des Lieux et de Bureaulib
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En ce début août, j’ai eu le plaisir d’interviewer Gérard Pinot co-fondateur de Génie des Lieux et de Bureaulib, qui réinvente bureaux et espaces de travail pour répondre aux enjeux du numérique.
Dans un monde du travail en pleine mutation où la transformation digitale, le nomadisme et le télétravail réinventent les usages, il convient de repenser bureaux et espaces de travail.
NUMÉRIQUE, NOMADISME ET AMÉNAGEMENT DES ESPACES TERTIAIRES
Tout salarié du secteur tertiaire est, à présent, un travailleur nomade. Qui n’a pas répondu à un appel ou à un email dans les transports en commun, entre deux rendez-vous extérieurs au café du coin, ou encore chez soi via son smartphone, sa tablette ou son ordinateur ? Avec la généralisation des serveurs, nos dossiers sont accessibles partout et tout le temps. Sans compter les nombreux logiciels professionnels qui sont désormais disponibles sur les téléphones portables ou les tablettes.
Aujourd’hui, grâce au numérique, on offre à n’importe quel salarié la possibilité de travailler hors de son bureau. D’après les dernières études du Tour de France du télétravail1, les salariés travaillent de plus en plus en dehors des locaux de leur entreprise. Ainsi, déjà 17 % d’entre eux, soit 4 millions de personnes, optent régulièrement pour le télétravail. Il est donc nécessaire de les accompagner dans cette transformation profonde.
CONNECTIQUE.
Il faut aussi tenir compte du fait que nous sommes aux prémices d’une mutation très forte de l’immobilier tertiaire qui est de plus en plus connecté. Les systèmes d’information vont s’intégrer de plus en plus aux bâtiments et vont très prochainement devenir un nouvel outil d’aide à la gestion de l’entreprise.
En transmettant un certain nombre de données comme le taux d’occupation, on va pouvoir agir sur le chauffage, la climatisation, les lumières, les photocopieurs, etc. Les objets connectés vont indéniablement faire évoluer nos espaces de travail et donc nos environnements professionnels. Les promoteurs immobiliers vont donc devoir reconsidérer la conception de leurs immeubles destinés aux entreprises en intégrant l’IT dans la construction.
LES PROFESSIONNELS DE L’IMMOBILIER DOIVENT REPENSER LEURS MODÈLES
Il existe aujourd’hui un important décalage entre la conception et l’offre immobilières existantes et les besoins d’aujourd’hui. Le modèle porté par l’ensemble de la profession, que ce soit les investisseurs, les promoteurs, les gestionnaires de bâtiments, est désormais remis en cause, mais personne ne sait réellement par quoi le remplacer. Chaque acteur de la profession va devoir rapidement revoir son rôle et ses modèles de pensée car la mutation est déjà en marche. Il s’agit de répondre aux attentes de la révolution organisationnelle que nous vivons et de repenser l’immobilier tertiaire dès sa construction par le biais des usages et services.
« Si l’on prend l’exemple de l’industrie automobile, les ingénieurs passent énormément de temps à réfléchir aux nouveaux usages et aux nouveaux besoins, et conçoivent la voiture autour de ces derniers après des études poussées et de nombreux tests. On n’imagine pas un seul instant un constructeur automobile installer la technologie sans chauffeur dans une voiture qui a vingt ans ! Or, dans l’immobilier, ce type de process n’existe pas. On installe du digital et du connecté mais dans des constructions à l’ancienne. Ça ne peut évidemment pas fonctionner.”
On prend acte de ces mutations, mais on n’en tient pas compte au moment de la conception des immeubles tertiaires. On continue de construire de grands plateaux dans un objectif d’open space selon la formule : « 1 poste de travail = 1 personne = 1 endroit donné », alors qu’on tend de plus en plus vers du flex office ou vers de l’ultra-personnalisation.
Il est évident qu’on ne peut plus concevoir des bâtiments comme on le fait actuellement. Il y a une inadéquation entre l’offre et les nouveaux usages. Il est donc primordial de se donner les moyens de repenser l’immeuble tertiaire en termes de technicité et d’usages, de forme et de dimensionnement. L’immobilier tertiaire doit entrer dans des process de réflexion maîtrisés pour gagner en souplesse.
Pour Gérard Pinot, UN SEUL MOT D’ORDRE : EXPÉRIMENTER !
Pour faire face à ces profonds changements, il est indispensable d’expérimenter, de tester plusieurs organisations et aménagements afin d’identifier ce qui fonctionne, mais aussi ce qui ne fonctionne pas. On parle beaucoup du flex office comme étant la solution adaptée à une entreprise qui se digitalise. Cependant, il faut prendre garde à ne pas tomber dans de nouveaux stéréotypes. Passer de manière brutale au flex office représente de sérieux risques pour l’entreprise car c’est une rupture particulièrement importante. C’est pourquoi il est primordial de constituer des équipes pilotes.
Quasiment tous les collaborateurs du secteur tertiaire travaillent aujourd’hui avec un ordinateur et un téléphone ; néanmoins, personne ne travaille de la même manière. Il faut tenir compte de la culture, des métiers et des process de chaque entreprise. L’idée est de ne pas passer d’un modèle à un autre sans s’assurer qu’il est pertinent. Il est nécessaire de comprendre et d’identifier les besoins et modes de travail des salariés, de les repositionner au centre de cette réflexion et de tester les aménagements avant de les démultiplier. Il s’agit de créer les conditions pour construire collectivement des solutions adaptées à chaque situation de travail. Ce n’est qu’en procédant ainsi que les gains potentiels en termes immobiliers et sociaux seront largement à la hauteur de l’aventure.
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