[Symposium 2017 – #6] L’IPv6-centric networking, un déploiement crucial pour demain
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Article sponsorisé – Auteur: Pierre Guyot, rédacteur, Usbek & Rica
Le symposium « Recherche et Innovation des Réseaux de Nouvelle Génération » Cisco – École Polytechnique 2017
Et si l’on explorait les limites d’un nouvel Internet ? Quand le protocole IPv6 n’est plus contraint par les limites de l’IPv4, ce sont en effet de nouvelles possibilités qui s’ouvrent. Loin de la complexité de l’IPv4, le déploiement d’un réseau « IPv6-centric » (ou 6CN, pour IPv6-Centric Networking) vise à créer une architecture globale faite d’informations partagées entre applications, services, réseaux, process, données, etc. La transition du réseau à l’IPv6 est une opportunité majeure pour révolutionner la manière dont on délivre du contenu sur Internet : une priorité alors qu’en 2020, 11 milliards de devices vidéo seront connectés, et que plus de 80% du trafic IP proviendra de la vidéo (des vidéos de chats sur YouTube, bien sûr, mais aussi un épisode entier de Game of Thrones sur son mobile, alertait-on début 2017 chez AT&T…).
L’IPv6 est en particulier une opportunité pour l’ingénierie du trafic. Les discussions portent ainsi principalement sur le « Segment Routing », ce modèle de routage, c’est-à-dire d’acheminement des données, spécifié par la source et pouvant fonctionner dans un environnement natif IPv6. Dans ce modèle, c’est la source qui choisit un chemin et l’encode dans le paquet sous forme d’une liste ordonnée de segments, apportant ainsi de la décentralisation en supprimant la notion d’états de routage pour tous les nœuds du réseau autres que la source.
IPv6 : au tour des entreprises ?
Mais tout d’abord, où en est l’IPv6 ? En juillet 2013, alors que le déploiement mesuré sous forme de connectivité IPv6 des utilisateurs de Google, était estimé à moins de 2% du réseau, on pensait qu’il atteindrait 10% début 2016, puis 18% début 2017 et enfin 50% en octobre 2018. Tout début 2017, après avoir effectivement 10% en janvier 2016, le déploiement n’atteignait « que » 16,8%. Une progression ralentie par un déploiement moindre parmi les entreprises, à l’inverse des professionnels (65% du trafic qui « sort » des réseaux de Cisco est par exemple en IPv6, et l’entreprise a un bâtiment IPv6-only à San Jose, aux États-Unis) et surtout des câblo-opérateurs voire des opérateurs mobiles : les réseaux T-Mobile USA ou Verizon Wireless sont par exemple à plus de 85% en IPv6.
Lors du premier symposium mené par le PIRL, en 2016, Martin Levy, en charge de la stratégie réseaux de Cloudflare, l’un des principaux réseaux de distribution de contenus (CDN) et responsable de plus du tiers des enregistrements DNS (service de nom de domaine) au monde, avait annoncé la migration vers IPv6 de 100% des nouveaux sites s’enregistrant sur Cloudflare. Depuis, 3 millions d’autres sites, anciennement enregistrés, ont migré. Le challenge technique est de taille : reste notamment à actualiser le protocole de sécurisation des échanges (TLS) et à faire avec l’existence de deux enregistrements DNS disponibles, A (renvoyant une adresse IPv4) et AAAA (IPv6).
Marcus Keane, architecte du réseau interne de Microsoft (Microsoft IT), le dit simplement : du point de vue de Microsoft, il est clair qu’« IPv6 est le futur de l’infrastructure ». Alors que les fournisseurs d’accès s’engagent fortement dans le mouvement, les entreprises, qui font pourtant face à l’épuisement de la disponibilité des adresses IPv4, sont en retard, note à son tour Marcus Keane, pour un grand nombre de raisons parmi lesquelles l’absence de normalisation complète du multihoming (nécessaire pour une connexion fiable), sur laquelle l’Internet Engineering Task Force (IETF), l’organe de standardisation d’Internet, penche toutefois. Pour Marcus Keane, la principale raison du « retard » de ce déploiement repose sur la lourdeur de gestion et la complexité accrue dans le management réseau que nécessite la technique de double pile IPv4-IPv6 dite Dual-Stack, adoptée pendant la transition vers l’IPv6. Sa recommandation, à l’image de ce que pratique Microsoft pour son réseau, est de prendre la voie de l’« IPv6-only », devenu un projet bien réel chez l’entreprise de Redmond après plusieurs années d’expérimentation. Face à la complexité de Dual-Stack et aux fortes demandes réseau que généreront demain le très grand nombre de devices connectés à l’Internet des objets, les tests en la matière s’accélèrent.
« La plus importe chose à faire aujourd’hui, c’est de s’assurer que les entreprises déploient l’IPv6 » – L’interview vidéo de Marcus Keane, Principal Network Engineer de Microsoft
IPv6, plateforme pour l’innovation : l’heure du Segment Routing
« Sans les entreprises, il n’y aura pas d’innovation », dit en substance Marcus Keane. Car l’IPv6 est aussi affaire d’innovation ! En matière d’infrastructure, les choses ne sont pas statiques, dit ainsi Sam Aldrin, architecte réseau chez Google, venu présenter le Zero Touch Network, une infrastructure réseau plus décentralisée et dans laquelle toutes les opérations sont automatisées, rendant l’infrastructure finalement plus robuste en réduisant les interventions humaines, fréquentes et en de multiples points, sur celui-ci.
Mais avec l’IPv6 vient aussi le Segment Routing : face au rythme effréné de l’augmentation de la demande en datas, notamment liée à la 5G, à la vidéo et à ses nouveaux formats ainsi qu’à l’Internet des objets, en effet, il peut s’agir, non pas de multiplier les routeurs, mais de partir de l’infrastructure existante et d’en simplifier l’architecture, d’en optimiser la performance et d’en réduire le coût. C’est ce que propose le Segment Routing, qui permet d’orienter le trafic depuis n’importe quel point du réseau (sur ses composants, dans le data center, au niveau des points d’accès). Le Segment Routing est compatible avec le protocole MPLS, mais sa philosophie, dès son lancement, est de coller à l’IPv6. À l’image de Comcast, opérateurs et fournisseurs d’accès à Internet, particulièrement ceux avancés dans le déploiement du protocole, cherchent déjà amplement à activer le potentiel de l’IPv6 Segment Routing, au-delà de démonstrations de laboratoires, et des déploiements sur les réseaux ont déjà eu lieu. « L’industrie soutient largement le Segment Routing », conclut Clarence Filsfils, auteur d’une présentation sur le sujet. L’ingénieur Cisco en veut pour preuve le consensus s’observant parmi les vendeurs, la standardisation menée par l’IETF, le fait que le « SR » soit devenu l’architecture SDN de facto et enfin l’adoption de la technologie que l’on observe chez les clients, FAI ou entreprises, depuis quatre ans. Mais c’est aujourd’hui son déploiement avec l’IPv6, routant l’IP à travers un ensemble de nœuds ou de services représentés par une adresse IPv6, qui s’affirme comme un sujet chaud. Pour l’opérateur SoftBank Telecom et son vice-président Satoru Matsushima, le « SRv6 » permet par exemple l’orchestration du réseau mobile d’une manière plus simple et plus flexible, et il s’agira de l’intégrer aux standards 5G. Le sujet de la virtualisation, au-delà des machines virtuelles, avec les containers et l’unikernel, est aussi à l’agenda, permettant peut-être de mettre en œuvre un réseau « super-fluide »…
« En 4 ans, nous avons su assurer le déploiement des routages inter-domaines dans les datacenters, les metros, les grandes agrégations et l’armature même du réseau », l’intervention de Clarence Filsfils, Cisco Fellow:
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Retrouvez tous les articles du Symposium sur notre blog:
- Le futur des infrastructures: dépasser les limites
- L’avis de Mark Townsley, ingénieur Cisco et co-fondateur du Paris Innovation and Research Lab
- L’Information-Centric Networking : l’infrastructure de demain ?
- Intelligence artificielle : son impact sur les réseaux
- La production média fait sa transformation vers l’IP