Edition du 18/12/2009 – par Jean-Pierre Blettner
C’est Barbara Dalibard, directeur exécutif d’Orange Business Services – sur le départ car elle rejoindra prochainement la SNCF, la date étant encore en négociation avoue-t-elle – , qui a présenté la feuille de route de l’offre cloud computing d’Orange Business Service (OBS ) le 17 décembre dans les locaux de France Telecom à Issy Les Moulineaux (92). « Le cloud computing est dans l’ADN des opérateurs télécoms. Nous faisons du cloud comme Monsieur Jourdain fait de la prose » décrit-elle.
L’offre cloud computing sera plus précisément sous la responsabilité de Didier Jaubert, Senior Vice President Global Services chez Orange. Didier Jaubert a travaillé durant vingt ans chez IBM avant de rejoindre France Telecom. Et ce parcours est révélateur de la partie qui se joue : la lutte va avoir lieu entre les informaticiens et les opérateurs télécoms et chacun entend miser sur ses points forts pour commercialiser du cloud, sans négliger les atouts de son concurrent.
« Les informaticiens sont sur le Build, les opérateurs sont sur le Run et ils savent gérer un réseau enrichi pour le cloud. Nous sommes dans la suite de la convergence et je partage la vision de Cisco avec leurs nouveaux serveurs qui font aussi routeurs » décrit Barbara Dalibard. Quelle sera l’importance en termes de revenus de ces offres de cloud dans l’activité d’OBS ? « Le cloud fait partie de notre activité Real Time Business, qui devrait représenter 15 à 20% de notre business. Si nous réalisons 1 milliard d’euros avec l’activité Real Time Business, ce serait bien » répond Barbara Dalibard.
Photo : Barbara Dalibard, directeur exécutif d’Orange Business Services, a présenté la feuille de route de l’offre cloud computing, le 17 décembre.
L’offre d’Orange se décline à la fois en services Iaas (Infrastructure as a service) et en Saas (Software as a service). Déjà disponible en ce qui concerne l’Iaas, on trouve le service « Flexible Computing » qui a été lancé en juin 2009. « Nous avons déjà des clients » indique Didier Jaubert. Il s’agit d’une offre d’hébergement de machines virtuelles – typiquement sous VMWare – via un portail de gestion, de contrôle et de provisionning. Une démonstration réalisée en direct par les équipes techniques d’Orange a permis d’illustrer cette offre. On achète du Ghz (en clair de la puissance processeur, et un nombre de processeurs), de la mémoire et de l’espace disque.
Via le portail, on peut gérer l’arrêt ou le démarrage de la machine virtuelle. On définit plusieurs réseaux virtuels dans la salle informatique (des Vlans) de l’opérateur et on place les VM (Virtual Machine) dans le Vlan de son choix. Puis, on affecte l’adresse IP. Ceci dit, à côté de cette offre Flexible Computing, « Ce sont les services de cloud privés – conçus sur mesure pour nos grands clients – qui ont le plus de succès » précise Didier Jaubert. Les grandes entreprises sont plus prudentes tandis que ce sont les petites entreprises qui optent pour les offres dans le nuage public. Les équipes des Labs d’Orange de Lannion ont montré ensuite la prochaine étape, attendue d’ici un an : l’affectation dynamique de puissance à la demande dans le nuage, via des interfaces de programmation ou API (Application Programming Interface), et une facturation à l’usage. L’exemple présenté concerne un infographiste travaillant sur des images 3D pour le cinéma qui a besoin de puissance de calcul à la volée. Depuis son poste de travail dans son entreprise, il lance son logiciel de travail et une commande établit un tunnel IPSec avec Orange, via lequel une machine virtuelle est lancée dans le centre informatique de l’opérateur pour la durée du calcul afin de doper la puissance CPU pour un moment. La VM est donc lancée rapidement. Cette offre demande a priori d’implanter des services au sein des routeurs, et les équipes des Orange Labs ont indiqué qu’aussi bien Cisco que Juniper Networks avaient fait en sorte que le lancement de ces API soient intéropérables entre leurs équipements, utilisés lors de la démonstration.
A l’heure où l’offre d’Orange se précise, que pense Didier Jaubert de l’offre EC2 d’Amazon, où il suffit de sortir sa carte bleue pour acheter une machine virtuelle, que l’on peut louer pour l’espace d’un test durant quelques heures ? « Ce n’est qu’un petit segment du marché. C’est très grand public. Les locations pour ce qui nous concernent sont au moins d’un mois. Nous ne ciblons pas la réponse à du test sur trois jours, par exemple. Amazon c’est juste de la location de Computing Power. Il faut une capacité de mutualisation importante. Mais nous utilisons nous-même l’offre d’Amazon quand nous avons des pics de charge, par exemple, pour du développement. »
Autre axe de développement chez Orange : le Saas. Cette offre recouvre déjà aujourd’hui des services de collaboration as a service, de postes de travail virtuel (les applications sont dans le nuage, Orange annonce 1000 utilisateurs), de téléphonie sur IP hébergée en mode Centrex (Orange annonce 10 000 sites équipés en Centrex IP) ou de messagerie hébergée avec Hosted Exchange à base de serveurs Exchange de Microsoft (Orange gère 1 million de boîtes aux lettres).
La prochaine offre qui sera lancée concerne Business Productivity Online Suite (BPOS) de Microsoft. Cette offre de messagerie dans le Cloud de Microsoft (entièrement gérée par Microsoft) sera enrichie par de la sécurité et de la téléphonie sur IP d’origine Cisco par Orange. Mais le futur pour Orange sera plutôt du côté de « Saas Store ». Un magasin d’applications en ligne, dans lequel l’utilisateur peut piocher les applications qui l’intéresse. Un worflow permet à l’employé d’une grande entreprise de faire valider par sa hiérarchie l’accès à une application donnée. Le catalogue d’applications est en cours de construction par Orange qui négocie avec des éditeurs, avec une sortie prévue entre fin 2010 et début 2011. La démonstration a été réalisée avec l’application de CRM, Sugar CRM. D’autres outils ont été utilisés lors de la démonstration tels que Zoho CRM, le traitement de texte Zoho writer ou Blender, un outil 3D.
Le service proposé par Orange repose sur un poste de travail rénové pour l’utilisateur, vers lequel on pousse les applications hébergées dans le nuage géré par Orange ou d’autres fournisseurs. Le PC nouvelle génération héberge alors plusieurs environnements professionnels ou d’ordre privé. Dans ce cadre, Orange entend être le tiers de confiance qui gère la relation d’un côté avec les utilisateurs et de l’autre avec les éditeurs de logiciels, afin d’établir la facturation à l’usage. Un modèle qui n’est pas encore accepté par les éditeurs reconnaît Orange mais qui leur permettrait pourtant de se différencier de la concurrence grâce à une nouvelle politique tarifaire, conclut l’opérateur.