Déployer IPv6 dans un réseau opérateur de type résidentiel … comment faire ? Quels sont les obstacles ?
Si on regarde les difficultés potentielles pour mettre en place IPv6 chez un ISP, on arrivera rapidement sur la partie agrégation, autrement dit sur la partie entre la box résidentielle et le routeur d’agrégation. Toute cette partie du réseau sur laquelle on trouve les DSLAMs, les différentes méthodes d’authentification (de PPP à DHCP), les serveurs Radius .. bref tout un ensemble complexe de produits n’ayant pas toujours un support IPv6 ou alors nécessitant une refonte qui peut s’avérer profonde.
De l’autre coté, le besoin IPv6 est la, les opérateurs veulent déployer rapidement, et surtout pouvoir le faire de manière progressive.
Et puis on le sait bien, offrir IPv6 aux utilisateurs, c’est permettre au trafic IPv6 Internet de progresser, donc d’intéresser plus de monde, donc de générer plus d’intérêt de la part des fournisseurs d’applications.
Alors la solution appelée 6rd est vraiment prometteuse. On l’a vu avec Free, un déploiement très rapide, graduel, flexible, un trafic IPv6 qui monte alors même que tous les utilisateurs n’ont pas encore coché la case qui va bien pour disposer d’IPv6. Au passage Free s’est taillé une belle réputation d’innovateur dans le monde des ISP, geeks et autres membres de l’IETF avec par exemple des présentations qui ont marqué dans les sessions du RIPE :
http://www.ripe.net/ripe/meetings/ripe-58/content/presentations/ipv6-free.pdf
ou Google qui cite Free dans toutes leurs présentations.
Imaginons que cette case IPv6 soit cochée par défaut pour tous les utilisateurs de Free … quel serait le trafic IPv6 en sortie du réseau de Free ? On a bien une idée ici …
Alors 6rd c’est quoi exactement …
Principe
C’est avant tout une méthode incrémentale de déploiement d’IPv6, à considérer comme une méthode de production, donc de qualité et non pas comme un service d’expérimentation en attendant mieux. L’idée est de ré-utiliser le réseau IPv4 de l’opérateur dans l’accès et l’agrégation, c’est à dire la ou la difficulté de déploiement d’IPv6 est la plus grande.
La Residential Gateway (RG, la box dans le jargon francais), monte un tunnel de type IPv6 over IPv4 a destination d’un routeur d’agrégation en périphérie du backbone.
Le routeur qui recoit cette trame IPv4 décapsule la trame IPv6 et la route ensuite nativement dans le réseau backbone.
Technologie
Et pour entrer un peu plus dans les détails “sordides”, on distingue 3 grandes parties dans 6rd :
- Délégation de préfixe : la box construit son adresse IPv6 sur un principe assez similaire à celui de 6to4, hormis le fait que le préfixe utilisé est le préfixe de l’ISP et non pas 2002::/16, donc construit son préfixe en fonction de son adresse IPv4 coté interface WAN. Cette adresse IPv4 peut être globale ou privée de type RFC1918.
- Encapsulation et mapping : les trames IPv6 sont encapsulées dans IPv4 entre la box et le routeur qui termine le tunnel, appelé Border Relay (BR) en suivant les principes de la RFC 4213. Cette encapsulation et ce mapping n’ont pas d’état (stateless) et ce point la est particulièrement important pour être capable de faire évoluer cette technologie sur des routeurs de coeur.
- Border Router : Une adresse de type anycast permettra d’envoyer les trames IPv6 sur IPv4 de la box vers un des Border Relay. On peut utiliser des adresses anycast justement parce que ce mapping iPv6 sur IPv4 est sans état.
Préfixe IPv6 en 6rd
Imaginons que la box ait comme adresse IPv4 : 129.1.1.1
On peut alors construire son adresse IPv6 comme suit :
- le préfixe 6rd du domaine de l’opérateur (ce préfixe est obtenu à partir d’une registry, le RIPE en Europe). Il est de taille variable, ca peut etre un sous-ensemble d’un préfixe plus large.
- concaténé avec l’adresse IPv4 (donc 32 bits). On peut prendre l’adresse IPv4 complète ou simplement des bits de poids faibles si par exemple tout est numéroté en 10.0.0.0/8
Exemple 1 avec un préfixe 6rd de /28 et l’adresse IPv4 complète :
Exemple 2 avec un préfixe 6rd de /32 et en prenant les 3 octets de poids faibles de l’adresse IPv4, donc sans le “10.” :
Standardisation
Pour que cette solution soit un succès, il faut évidemment qu’elle soit normalisée afin que tous les fabricants de routeurs mais aussi (et surtout ?) de Residential Gateways implémentent cette technologie 6rd. Rien ne pourra se faire si les box n’ont pas la partie de code 6rd qui va bien.
Cette solution a été utilisée par Free sur la base de la proposition de Rémi Despres : http://tools.ietf.org/html/draft-despres-6rd-03
Aujourd’hui, 6rd est un draft IETF dans le standard track : http://tools.ietf.org/html/draft-ietf-softwire-ipv6-6rd
Les deux auteurs sont des personnes de Cisco, dont Mark basé à Paris.
Pour plus d’information : http://www.cisco.com/go/cgv6
2 commentaires
Bonjour,
L’article est très intéressant. Il permet d’entrevoir cette fameuse phase transitoire que l’on observera fin d’année 2011.
Toutefois il est dommage que Cisco ne propose pas d’IOS pour les routers “branch office” de type 877 embarquant les fonctionnalités 6rd.
Nous aurions bien aimé pouvoir tester grandeur nature cette implémentation de 6rd sans avoir à recourir à une box sous Linux.
Cordialement,
Adrien
Bonjour,
6rd va se décliner sur plusieurs plateformes Cisco. Les routeurs d’accès de la gamme ISR auront le support de 6rd dans peu de temps.
Cordialement.
/jmb